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22/11/2012

«Les Trente Européennes», un rêve oublié ?

Les informations sont de plus en plus inquiétantes dans les médias : «Strasbourg risque de perdre son Parlement» ou, plus affirmatif, Olivier Mirguet pour Challenges, n’hésite pas à prophétiser hâtivement : «Strasbourg va perdre bientôt son Parlement». Il a peut-être des informations très personnelles ? Cueillies à Strasbourg ou à Bruxelles ? Qui ?

Ainsi les «anti-Strasbourg» auraient gagné ? Sont-ils conscients de ce que signifierait cette amère victoire pour les peuples d’Europe ? Se fondre dans l’anonymat complexe de l’univers administratif de Bruxelles et souligner ainsi avec force qu’il y a bien deux mondes : celui des Politiques et celui des Peuples. Ils seraient définitivement clivés.

Il est vrai que, pour la majorité des parlementaires, l’atmosphère de Strasbourg devenait pesante, lourde, beaucoup trop responsabilisante, encore que la question posée fût celle du siège unique… mais on sait bien que on pense Bruxelles ou plutôt Brussel.

Il règne en effet dans cette ville de Strasbourg et jusque dans l’hémicycle du parlement une atmosphère particulière. Un curieux mélange de souvenir amer de conflits et d’affrontements en même temps qu’un puissant appel à aller de l’avant, un espoir. Une envie de fraternisation, d’ouverture aux peuples, aux cultures, aux différences, une envie de renouveau et d’espérance dans une Europe plus forte, plus humaine, plus juste. C’est l’âme même de ces régions frontalières qui ont tant souffert.

A travers la ville et son Parlement emblématique, à l’architecture si curieusement belle et inachevée, un demi milliard d’hommes rêvent peut-être encore d’un Nouveau Monde Européen. Après les «Trente Glorieuses» puis les «Trente Piteuses», on espérait les «Trente Européennes», celles qui devaient conduire nos vieux pays vers une union politique, économique, élaborée sur la base de nos valeurs humanistes et ainsi les rajeunir aux yeux du monde. Un espace respecté par le monde entier et qui, incontournable, compterait beaucoup plus brillamment, pour le président Obama nouvellement réélu et pour les Américains qui ne pourraient l’ignorer comme ce fut le cas dans la campagne électorale. Ne dit-on pas  parfois dans les milieux diplomatiques : «L’Europe, le plus mauvais ami des Etats-Unis mais le seul». Alors ?

Les Etats Unis d’Europe. Cette Europe, c’est dans le «top five» des grandes «nations mondiales», les grands espaces culturels ou civilisationnels, que l’espérait le «fou d’Europe», le grand journaliste Daniel Riot !

Or, non seulement le but est loin d’être atteint, mais après 60 ans de laborieuse gestation, nous voyons revenir des envies de repli sur soi, pays par pays et parfois, à l’intérieur des pays, comme par exemple en Belgique, province contre province…violemment. Des choses que nous n’avions plus vues depuis longtemps. Un spectre de balkanisation qui fait peur.

En fait, les parlementaires, représentants des Peuples, n’ont jamais pu ou su imposer à leur pays, le concept européen de Supranationalité, d’Etat Fédéral ou Confédéral, seul modèle final possible de l’aventure européenne. Vision téléologique, finaliste ? Au moins y ont-ils cru avec leur courte vue ?

Et là, nous hésiterions ? Curieusement, nous accepterions d’être muselés par les Britanniques et leurs amis qui, depuis les gradins de l’Union, n’ont cessé de mettre des bâtons dans les roues de la construction européenne, tout en prenant des distances les plaçant à part ? Il faut dire qu’ils ne sont certainement pas les seuls au monde à vouloir voir l’Europe échouer…

Or, pour arriver à la fin inacceptable de ce magnifique projet, il faut d’abord détruire tous les symboles qui l’ont fait vivre au niveau des citoyens. A commencer par l’hymne européen: «Freude, schöner Götterfunken» et ses promesses de fraternité. Il a été supprimé d’abord. Maintenant, c’est au tour du Parlement dans la ville de sa création, lieu des séances plénières solennelles, d’être «désaffecté», dévitalisé, inutile. Ce seraient -là pour les Européens, les prémices d’une déconstruction, d’un retrait, d’un échec.

Or, sans les Peuples, sans Strasbourg, la ville qui les représente, sans la cohésion Franco- Allemande si tangible sur les bords du Rhin, l’Europe ne se fera jamais. Elle redeviendra un «machin» administratif, désintégré, déshumanisé. Incroyable aboutissement, inchiffrable gâchis !

Vu comme cela, on comprend mieux dès lors que la majorité des parlementaires veuille quitter Strasbourg et l’Alsace, trop empreintes de symboles. Un peu comme on quitte un navire. En perdition ?

Aller de l’avant, c’est aujourd’hui la seule direction possible pour l’Europe.La seule qui prenne en compte le futur des nos enfants. Pas question de lâcher.

Cet article d’Alexis Lehmann est publié aujourd’hui en simultané sur euroJournal.net et le grand quotidien en ligne français Médiapart, ainsi que sur d’autres plate-formes médiatiques.


Alexis Lehmann - 22.11.2012

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