24/11/2016
Donald Trump et l’Union Européenne
Alexis Lehmann jette un regard sur l’avenir des relations transatlantiques. Et sur l'avenir de l'Europe.
En tant qu’entrepreneur froid mais avisé, Donald Trump fera une analyse sans complaisance des forces et des faiblesses de l’Union Européenne, des risques dans lesquels elle peut l’entraîner et des opportunités qu’il peut en tirer.
Il sait que notre Union Européenne vit depuis près de 70 ans sur des apparences de « grande puissance ».
La première étant celle d’un ensemble géopolitique de 670 millions* de citoyens, et la seconde, de « première puissance économique du monde » en cumul des PIB des 27 pays de l’Union. Or, il faut « décoder ».
D’abord, il n’y a pas de « citoyen » européen, car il n’y a toujours pas d’ « Etat Européen ». On ne peut être citoyen que d’un Etat et le « Brexit » est venu rappeler que la seule citoyenneté pertinente et décisionnelle est celle de chaque pays membre.
L’UE est un « Babel » de 27 démocraties diverses et souveraines, une construction modulaire séparable à tout moment. Les aspirations populistes et nationalistes jouent chaque jour un peu plus de cette faculté pour orienter les peuples vers un avenir solitaire. En ce qui concerne maintenant la puissance économique et stratégique, elle n’est hélas pas opérationnelle du fait des difficultés à trouver des accords communs sur les grands sujets. Défense, immigration, transition écologique, transition énergétique, protection sociale, droits de douanes etc., aucune option commune ne peut-être prise d’autorité par la Commission Européenne sans l’accord des différents membres.
Quelle question faudrait-il donc poser pour obtenir une réponse unanime à 27 ? Qui peut raisonnablement penser qu’une telle méthode de direction, soumise à des gouvernants aux yeux vissés sur leurs compteurs électoraux nationaux, puisse fonctionner ?
Aucun système démocratique de commandement ne peut s’exercer sans la soumission à la règle de la majorité…
On peut à l’ « unanimité » partager les mêmes Valeurs comme le rappelle Angela Merkel : Elles sont certes nobles, belles, idéales, mais leur partage même « unanime » n’est pas suffisant pour obliger les partenaires à appliquer une stratégie d’actions communes susceptible de répondre aux enjeux de la Communauté Européenne.
La seule Europe qui fonctionne est l’Europe institutionnelle et bureaucratique. Elle fonctionnera longtemps encore, loin des peuples et de leurs problèmes.
Alors pour l’instant, Donald Trump a le champ libre pour mettre en place le programme qu’il veut dans la pure optique des intérêts de son pays… !
Nous sommes ici à Strasbourg beaucoup d’Européens convaincus, mais il faut bien admettre que l’idéal d’union et de solidarité qui a fonctionné sous l’impulsion des Pères Fondateurs qui voulaient construire les « Etats Unis d’Europe » s’éloigne à l’infini…
L’UE a fonctionné tant que les choses allaient bien pour tous ses membres, au moment notamment des Trente Glorieuses…. Aujourd’hui où nous sommes pratiquement dans une situation inverse, l’effort d’adaptation à faire pour construire un « ensemble politique et géographique intégré » semble hélas hors de portée ! C’est pourtant la seule solution pour que l’UE ne reste pas un « machin » et pour que nos vieux pays puissent se situer à égalité de puissance avec les Etats-Unis et les grands de ce monde. Je doute que nous ayons encore soixante-dix ans de plus devant nous pour y arriver…
Dans son dernier livre Jean Tirole, notre Prix Nobel d’Economie, conclut son chapitre sur l’Europe en écrivant : « Si nous Européens, nous voulons vivre sous un même toit, nous devons accepter de perdre un peu plus de notre souveraineté, réhabiliter « l’idéal Européen » et rester unis autour de cet idéal ! »
Mais, rajoute-t-il, « ceci n’est pas une mince affaire ».
* Population de l’Angleterre déduite.
Alexis Lehmann - 24.11.16
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