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16/05/2011

L’infatigable militant de l’Europe à Strasbourg

Alors que les offensives contre les sessions du Parlement européen à Strasbourg se multiplient, Alexis Lehmann, 72 ans, remonte une nouvelle fois au créneau pour exhorter les décideurs strasbourgeois à l’audace et à l’initiative. Propos d’un infatigable militant de la place centrale de Strasbourg au sein des institutions européennes…

 

« J’ai changé trois fois de métier dans ma carrière dans le seul but de rester en Alsace ». Cette fidélité est l’argument n°1 de ce mulhousien d’origine, marié à une colmarienne et qui respire Strasbourg par tous les pores d’une peau tannée par le combat inlassable mené depuis des décennies pour que la capitale alsacienne mérite vraiment son titre de capitale de l’Europe.

 

« J’ai eu depuis longtemps l’idée de ce lieu d’Europe qui manquait tant à Strasbourg. Je l’ai appelé l’Eurodôme mais ce n’était qu’un nom de code. Le contenu, lui, n’a jamais changé : je reste aujourd’hui, et plus que jamais, convaincu qu’il faut que Strasbourg joue à fond cette carte magnifique que l’histoire lui a procurée. Strasbourg, c’est l’Europe des peuples, pas celle des technocrates. Si nous nous bougeons enfin avec méthode et détermination, l’image de Strasbourg pourra alors essaimer dans tous les pays de l’Union. »

 

La volatilité politique

Alexis Lehmann se réjouit bien sûr des récentes avancées de la municipalité élue il y a trois ans. Le choix de Roland Ries s’est porté sur le Kaisersgut, à l’entrée de la Robertsau, pour un projet de lieu d’Europe dont la première tranche pourrait enfin voir le jour d’ici à trois ans. Elle prévoit un lieu d’accueil grand public qui, doté d’une scénographie adaptée, permettrait de recevoir un public qui, pour l’heure, notamment les week-end, tombe sur les grilles fermées du Parlement européen et des autres institutions.

 

Bien tard, pensent certains. Sur ce sujet, Alexis Lehmann n’y va pas par quatre chemins : « A Strasbourg, hormis Catherine Trautmann une fois, les maires successifs ne se sont jamais succédés à eux-même. C’est toujours la même histoire : elle tourne entre Stras et Bourg, le carrefour superbe que constitue notre ville et la cité, l’intra-muros. On s’occupe bien, voire même très bien de la ville et on finit par oublier le carrefour qu’elle représente. En ce qui concerne l’Europe, ce débat est capital, il ne doit plus être différé. A Strasbourg, l’Europe a ses palais pour les parlementaires et les institutions, mais ils vivent à part, fermés au grand public. L’Europe a ses palais mais pas de temple, cet endroit où des milliers d’européens pourraient se parler, mieux se connaître. »

 

Le plaidoyer pour l’Europe des peuples

« En tant que citoyen européen habitant Strasbourg, j’ai le droit de dire que l’Europe en déçoit beaucoup. On en est même arrivé à un paroxysme actuellement. Les chefs de gouvernements nous racontent des histoires ! Le traité de Lisbonne en 2005 parlait de plein emploi : où en sommes-nous ? Il parlait de lutter contre l’exclusion et la pauvreté : nous n’avons jamais été dans de telles difficultés ! On parlait aussi de l’Europe de la connaissance et de la justice, on promettait de restaurer une vraie conscience économique, on promettait l’essor du vieux continent avec, au passage, une harmonisation sociale : où en sommes-nous là encore ? Beaucoup d’européens ont envie de dire aux chefs de gouvernements et aux technocrates de tout poil : vous êtes des charlots !!

 

C’est l’Europe des peuples qui doit se bâtir à Strasbourg. Et ce lieu d’Europe en est la première pierre. Il permettra à Strasbourg de dire des choses car Strasbourg a une autre image que Bruxelles dans ce domaine : ici, c’est l’humanisme, l’histoire qui s’est écrite à cheval sur le Rhin, cette ex-frontière guerrière qui est devenue aujourd’hui le symbole de la réconciliation entre les peuples. L’Europe des peuples, c’est ici qu’elle doit être visible, Strasbourg en est le théâtre parfait ! »

 

De l’audace !

Si le choix du Kaisersgut pour édifier ce lieu d’Europe peut être considéré comme une notable avancée, Alexis Lehmann est cependant inquiet sur les possibilités existantes sur ce site : « J’ai rendu tout le monde attentif : on ne naît qu’une fois dans la vie, mais quand on est mal né, c’est pour la vie entière. Donc, il faut dès à présent instituer un concours d’architectes qui nous donnera une vision globale du projet final, même s’il faudra attendre le prochain mandat municipal pour le voir sortir de terre. »

 

Néanmoins, l’historique militant européen reste optimiste et exhorte même à l’audace et à l’offensive : « Strasbourg ne doit pas se tromper de champ de bataille. En ce qui concerne l’aéroport, les hôtels, les restaurants d’une grande capitale européenne, on est perdant à tous les coups sur ce terrain de la logistique. Mais Strasbourg est un lieu mythique et emblématique et là, on entre dans un autre cas de figure. A ce que je sache, La Mecque ou Lourdes ne se sont pas bâties près d’Heathrow ! La cible, ce sont ces 450 millions d’européens dont beaucoup sont nés citoyens d’Europe sans même savoir ce que ça voulait dire. Alors, si Strasbourg parvient à s’imposer comme la capitale de l’Europe des peuples, si nous savons leur parler directement –et ça passe bien sûr par ce lieu d’Europe pour que nous puissions tous nous rencontrer-, le maire de Strasbourg pourra leur dire : « Si vous voulez sentir ce qu’est vraiment l’Europe, c’est à Strasbourg que cela se passe. Venez chez nous : à pied, en avion, en vélo, en train, en trottinette mais venez-y ! »

 

C’est le moment, il faut foncer et être ambitieux, on n’a que trop tardé. On trouvera les moyens, notamment financiers, pour réaliser tout ça : après tout, qui a jamais parlé d’amortissement pour la Tour Eiffel ou la cathédrale de Strasbourg ? Je reste persuadé que notre ville peut restaurer la vraie symbolique européenne, celle qui est basée sur des valeurs humaines, pas celle des technocrates pétrifiés dans leurs bureaux à Bruxelles ! C’est le moment, il faut foncer maintenant ! ».