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12/11/2014

Seule ou pas seule, l’avenir de l’Alsace se jouera dans la Vallée du Rhin

 « La Lorraine ou la Lorraine et la Champagne-Ardenne ne peuvent représenter pour nos deux départements des marchés potentiels nouveaux, des sources d’enrichissement inexploitées, ou des bassins d’emplois prospectifs.

Nos relations économiques hexagonales sont établies et éprouvées depuis longtemps. D’ailleurs, ce serait un curieux objectif pour une réforme territoriale, que de fomenter une intensification de la concurrence à l’intérieur même d’un nouveau cadre institutionnel où les gains des uns seraient les pertes des autres…

Au travers d’un long cheminement de coopération, des centaines d’entreprises, allemandes et suisses notamment, sont installées en Alsace. Elles fournissent du travail à des milliers de nos compatriotes : 62 000 Alsaciens, frontaliers, travaillent en Allemagne et en Suisse. Quel que soit le choix politique en termes de découpage national, cette dynamique de voisinage est pour l’Alsace indispensable, vitale. Pas question donc de changer de stratégie. Nous avons à nos portes un marché neuf de plus de 150 milliards de PIB (Sud Palatinat, Pays de Bade, Nord de la Suisse). Certes les « asymétries de compétitivité » entre les pays riverains existent toujours, mais elles n’ont pas empêché l’Alsace d’être le premier client et le premier fournisseur local de ces deux voisins.

Si nous n’arrivons pas ici, aux frontières, et c’est aussi le cas pour la Lorraine, à trouver des solutions opérationnelles d’harmonisations fiscales, juridiques, sociales, normatives avec les pays membres de l’UE, et particulièrement avec l’Allemagne, l’intégration politico-économique de l’Europe ne se fera jamais.

L’Europe des régions

On peut d’ailleurs s’étonner du silence de la Commission Européenne de Coopération Territoriale dans cet important remembrement français. Elle sait parfaitement que sur les 362 régions que compte le Conseil de l’Europe, 140 sont des zones frontalières. Elle sait aussi que ce sont justement ces régions-là qui seront les pièces maîtresses d’une nouvelle configuration économique de l’Europe : celle de “l’Europe des régions”. Elles assument le rôle de zones “motrices” du développement trans-étatique, susceptibles d’amener les pays membres à évoluer vers une économie plus fluide, plus ouverte, plus européenne.

Quid de la France dans une telle configuration ?

La France a tout intérêt à pousser l’ensemble de ses régions frontalières dans cette voie.

L’Alsace, par exemple, est l’une des régions françaises les plus fortement “contributives” à la solidarité nationale.

L’impôt sur le revenu y dépasse la moyenne nationale par tête d’habitant, notamment grâce au niveau de ses salaires moyens et à l’apport des salaires des frontaliers. Par ailleurs, toutes les entreprises étrangères installées de ce côté du Rhin payent bien sûr, elles aussi, impôts, taxes et cotisations sociales en France. Enfin et surtout l’Alsace déleste les effectifs du chômage national (voir plus haut) que nous sommes incapables d’absorber quelle que soit la configuration territoriale retenue demain. Sous tous ces aspects, nous devrions être, en tant qu’Alsaciens, plutôt félicités que jalousées.

Élargir le modèle économique transfrontalier

La bonne opération territoriale française consistera donc à élargir le modèle économique transfrontalier à d’autres régions frontalières plutôt que de le négliger ou que de l’ignorer.

Alors, quelle que soit demain notre nouvelle région d’appartenance, seule ou pas seule, “En Avant l’Alsace !”»

* Administrateur de la Fondation Entente Franco-Allemande, ancien dirigeant d’entreprise à Strasbourg

 

Alexis Lehmann publié le 7.11.14

 

06/11/2014

« L’Or du Rhin coule toujours sous nos pieds »

« Au lendemain des élections municipales, à la veille des élections européennes et dans la perspective d’un nouveau découpage des régions de France, il paraît opportun de situer l’Alsace dans sa perspective de développement.

Le Traité de Lisbonne, consacré aux régions européennes, prévoyait dans son Agenda 2020 de renforcer les régions métropolitaines. Où en sommes-nous sur les bords du Rhin ?

La Région Métropolitaine Tri Nationale du Rhin Supérieur (RMT) a été officiellement créée à Offenburg le 9 décembre 2010. Elle est l’aboutissement d’une longue tradition de voisinage et d’interdépendance entre les trois pays riverains. Sous un certain aspect, elle fonctionne. Aujourd’hui, le premier employeur alsacien est la Suisse, le premier investisseur en Alsace est l’Allemagne et le premier pourvoyeur de main-d’œuvre, ressource capitale, aux deux partenaires est la France.

Le premier constat que l’on peut faire est que l’existence de cette structure trinationale est relativement peu connue du grand public. Pour ceux qui en ont entendu parler, les objectifs semblent très « organisationnels » par rapport aux attentes factuelles des citoyens telles qu’elles apparaissent dans l’Étude TNS SOFRES réalisée en 2006 par la Fondation Entente Franco-Allemande. Les habitants voulaient à près de 90 %, quelle que soit leur nationalité : un renforcement de la coopération, un renforcement du bilinguisme, un plan de développement économique et social commun, plus de voies de communications terrestres ferroviaires et numériques, plus de ponts etc.

Une architecture à refonder

En ce qui concerne l’organisation de la RMT, il apparaît que des améliorations pourraient être obtenues en refondant l’architecture. Les quatre piliers, Politique, Economie, Sciences et Société Civile, sont placés sur un même niveau alors que leurs potentiels d’action sont considérablement inégaux.

Les piliers de l’Économie et du Savoir (Sciences, Universités, Ecoles) sont en fait les deux éléments majeurs et vrai blocs moteurs. Non seulement il faut les situer au centre du système mais encore faire en sorte de créer entre eux des connections multiples.

Toute l’histoire de l’industrie depuis son avènement repose sur la relation entre entrepreneurs et chercheurs d’une part, entrepreneurs et salariés d’autre part. Ce double mécanisme se réalise aujourd’hui dans les clusters transfrontaliers dont il faut renforcer l’existence. Les passerelles entre Économie et Savoir doivent concerner non seulement les grandes entreprises, universités et grandes écoles, mais toutes nos entreprises et toutes nos écoles.

Parlant « emploi », et pour éviter la perte potentielle de plus de 50 000 emplois frontaliers alsaciens dans les prochaines années, il faut saluer les expérimentations menées par la CCI Alsace avec le programme « Wirtschaft macht Schule, et les programmes « Mobil pro EU » et « Job for my Life » récemment repris par la Région Alsace (Accord cadre de l’apprentissage transfrontalier).

Il faut des salariés et des acteurs économiques bilingues susceptibles de proposer les services et les produits français à nos voisins suisses et allemands, lesquels font pareil dans l’autre sens.

Une puissance commune

Les trois partenaires de cette aventure ont tous des forces et des faiblesses mais aucun ne peut rêver accéder tout seul à un niveau de compétition mondial. Pour y arriver il nous faut passer de la notion d’espace commun à celle de puissance commune. Cela ne pourra se faire que si l’on emmène la société civile dans cette belle aventure.

Elle est aujourd’hui le maillon faible du dispositif. Or les citoyens représentent le catalyseur incontournable pour réussir la délicate alchimie du « vivre et du réussir ensemble » malgré les différences. Il faut créer chez eux un sentiment d’unité d’appartenance.

À cette fin je propose que le pilier « société civile » réputé être le plus difficile à mobiliser soit en fait placé comme socle et non comme pilier dans l’architecture du système.

Comme la Silicon Valley

La RMT est une appellation trop administrative. De plus elle clive chacun dans son identité nationale. « Upperrhein Rhein Valley », appellation utilisée pour la promotion internationale, « Vallée du Rhin Supérieur » en français ou « Oberrheinthal » en allemand, avec un logo commun, pourrait mieux convenir pour faire émerger cette notion d’appartenance à une même communauté.

La Silicon Valley n’a pas dépensé, administrativement parlant, un centime pour construire son image mondiale. Ce sont les entreprises qui, de la plus petite à la plus grande, se sont identifiées « Silicon Valley ».

Ainsi, des géants du silicium, jusqu’aux maisons de retraite et aux clubs de pêche, tous ont participé à la construction de son image et propulsé cette vallée, encore inconnue il y a 30 ans, vers les sommets de la notoriété mondiale.

Vallée du « Savoir » depuis les Romains, Gutenberg et les humanistes rhénans, le Rhin Supérieur a largement assez d’atouts pour retrouver sa place et revenir à la pointe de la notoriété européenne et mondiale. Ce serait, le plus beau cadeau que cette vallée, enfin européenne et pacifiée, pourrait faire aux générations futures.

Personne n’imagine les retombées et les plus values de ce fantastique projet s’il est poussé à son terme.

Alexis Lehmann, administrateur de la Fondation Entente Franco Allemande

Publié le 06.11.14